Mali : Le difficile apprentissage de la démocratie
Après son accession à l’indépendance le 22 septembre 1960, la République du Mali a opté, dans les années 1990, pour la voie démocratique à la suite de la chute du régime de Moussa Traoré. Avec cette nouvelle trajectoire (démocratie) que le pays venait d’emprunter, le rêve des citoyens d’avoir accès à une éducation de qualité, la justice, la santé, la sécurité…a été une utopie. Ces promesses démocratiques, promises et garanties au peuple, ont été de simples discours. Une situation qui se justifie par des nombreux putschs quasiment ovationnés par le peuple désespéré.
Les pays du monde ont célébré, le 15 septembre dernier, la Journée internationale de la démocratie. Une célébration qui mérite un regard rétroactif sur les différents évènements. Le Mali, désormais indépendant du joug colonial, a connu 5 coups d’Etat. Modibo Keïta, alors premier président du pays avait mis en place un processus de réformes économiques en se focalisant sur l’agriculture avant de créer, en 1962, le franc malien, une monnaie propre au Mali. Vu comme défenseur du communisme, Modibo Keïta a rompu avec la domination monétaire et économique du colon en se retirant de la consommation du franc CFA. Le 19 novembre 1968, le régime de Modibo Keïta est renversé par des jeunes officiers conduits par le lieutenant Moussa Traoré, à la faveur d’une grogne populaire. Le Comité militaire pour la libération nationale (Cmln) qu’il dirigeait délaissa, dès 1984, le franc malien pour revenir au franc CFA. Les réformes menées par le régime de Moussa Traoré n’ont pas été assorties du changement politique tant scandé par les populations, durant plus de 20 ans au pouvoir. Les espoirs furent brisés. Les populations, notamment les élèves et étudiants, se sont mis à battre le pavé. Après la répression d’une manifestation ayant occasionné plusieurs dizaines de morts, le lieutenant devenu général, en l’occurrence le président Moussa Traoré, a été finalement détrôné le 26 mars 1991 par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. Connu sous le sobriquet « ATT », le jeune officier installa, dans la diligence, le Comité transitoire pour le salut du peuple (Ctsp). Puis organisa, courant 1992, les premières élections démocratiques dans l’histoire du Mali. Une occasion pour Alpha Oumar Konaré d’être élu premier président démocratique au Mali. Amadou Toumani Touré est revenu au pouvoir en 2002. Avec l’avènement du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) soutenu par le Mujao en plus de l’éclosion du virus de la rébellion au nord du pays, la chute du régime d’ATT est intervenue le 22 mars 2012 à travers le capitaine Amadou Aya Sanogo et ses frères d’armes. Avec presque les mêmes tons, les mêmes trajectoires et discours, le pouvoir a été finalement confié, à la faveur de l’élection présidentielle de 2013, à l’enfant du Mandé (Ibrahim Boubacar Keïta), considéré comme un homme intègre et capable de tirer le Mali de la domination terroriste à l’époque. Il s’agissait bien du vétéran politique élu avec un score de plus de 70% des voix, jamais égalé dans l’histoire électorale au Mali.
Les combats d’un peuple déçu
Des présidents se succèdent au pouvoir. Ils tiennent des discours éloquents et prometteurs. Mais le peuple sort toujours perdant du jeu. Après avoir élu IBK, le peuple a été toujours déçu. Il a fallu attendre 7 ans pour voir les Maliens, de l’intérieur et de l’intérieur, se mobiliser de nouveau. Déçus de la mauvaise gouvernance, ils ont décidé de prendre leur destin en main. Dès mois durant, ils pleuraient les morts civils et militaires. Aussi, ils protestaient contre la corruption au sommet de l’Etat, le détournement des deniers publics par des responsables du défunt régime d’IBK, la métastase du terrorisme dans le pays, l’incapacité du défunt Président de la République à relever les défis sécuritaires, éducatifs, sanitaires… auxquels la démocratie malienne n’a pu apporter de solution idoine. Pour alors contenir le mal qui avait atteint le summum, des Maliens se sont donnés rencard au cœur d’une coalition dénommée M5-RFP. Le combat ainsi ébauché a permis le renversement du régime IBK le 18 août 2020, par une junte dirigée par le colonel Assimi Goïta. Rappelons qu’au cours de la première phase de la transition, Bah N’Daw et Moctar Ouane, respectivement président de la transition et Premier ministre, ont été délogés du palais de Koulouba, le mois de mars 2021, par le colonel Assimi Goïta et ses frères d’armes, à la suite d’une histoire de remaniement ministériel. Cet acte militaire a été qualifié par les Maliens de patriotique et de sauvetage du pays, tandis que des pays comme la France et les membres de la Cedeao dénonçaient l’acte et le qualifiaient de coup d’Etat dans un coup d’Etat. La démocratique au départ, analysée et aperçue comme source d’espoir et de développement, s’est alors soldée par le désespoir du peuple. Tant sur le plan politique, institutionnel, social qu’économique, les changements attendus n’ont pas été atteints. Les acteurs de la démocratie le reconnaissent, de même que les citoyens. « 60 ans après les indépendances, je peux dire que le bilan est décevant. Cela n’est seulement pas la faute des autres, c’est la faute des Africains aussi », enseigne le ministre Abdoulaye Diop. Sur la question, le PM Choguel Kokalla Maïga confiait ceci : « On a continué à organiser les élections pendant 30 ans, mais cela n’a pas évité des coups d’Etat et des tentatives de coup d’Etat. Cela veut dire qu’il faut s’arrêter et regarder. L’élection n’est pas une fin en soi, c’est pour choisir les dirigeants. La démocratie ne peut pas primer sur la vie et la sécurité des personnes et de leurs biens ». Dans les différents lieux de regroupement, tout le monde est, de nos jours, unanime que les causes pour lesquels les gens se sont battus pour l’avènement de l’ère démocratique ont été vouées à l’échec.
Mamadou Diarra