Mali : La réussite de la transition au cœur de la visite de Goodluck Jonathan
Le Médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan s’est rendu, la semaine dernière, au Mali afin de suivre l’évolution du processus de Transition. Ce commis de l’organisation sous régionale et sa délégation ont, au cours de leur séjour au Mali, rencontré, en plus des autorités de la transition, les forces vives de la nation. L’objectif était de réunir l’ensemble des Maliens autour de la réussite de la transition en cours.
Arrivés le dimanche 9 mai dernier, cette visite de « routine » du Médiateur de la CEDEAO, Goodluck Jonathan entrait dans le cadre de l’engagement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la stabilisation du Mali.
Depuis 2020, le Mali est plongé dans une crise socioéconomique et institutionnelle sévère l’ayant conduit à un coup d’Etat, le 18 aout 2020. Dès lors, cette organisation ouest-africaine ne cesse de multiplier des actions afin de retourner, très vite, à l’ordre constitutionnel normal. Si la CEDEAO a pu imposer une transition civilo-militaire après le départ de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita, cette dernière mission entre dans le cadre du suivi et évaluation du processus de transition en cours dans le pays.
En somme, il s’agissait notamment d’évaluer l’ensemble des conditions soumises aux autorités de la transition afin de rendre le pouvoir à un président démocratiquement élu, aux termes des 18 mois de transition fixés, non seulement par la charte de la transition mais aussi par la communauté internationale, dont la CEDEAO.
Un grand doute sur le respect du calendrier électoral
Fixée pour 18 mois à partir de la date du coup d’état (18 aout), près de 9 mois se sont déjà écoulés sans que des travaux concrets devant précéder l’organisation d’une élection transparente et crédible, attendue de tous les Maliens ne soient engagés.
Certes, beaucoup d’actions ont été posées par le gouvernement, notamment la publication du calendrier des élections, (le referendum pour l’adoption d’une nouvelle constitution ; les élections des conseillers communaux, des conseillers régionaux et des conseilleurs du district ; les élections législatives et l’élection du président de la République, avant le début Avril 2022) ; La création de la Cellule d’appui au processus électoral de la transition ; du comité d’orientation stratégique (COS), etc.
Mais, tenir ces élections avec une nouvelle constitution qui ne sera pas contestée par certains acteurs de la classe politique et de la société civile serait un miracle, surtout que les problèmes liés aux élections avaient été au centre des recommandations de l’ensemble de la classe politique, lors des différentes assises des forces vives de la nation. Les acteurs de la classe politique ont insisté sur la nécessité de procéder aux réformes du système électoral.
Un calendrier publié sous pression internationale
Certains observateurs estiment que les autorités de la transition n’avaient pas affiché de réelles volontés à organiser les élections générales à bonnes dates. C’est pourquoi d’ailleurs, selon eux, les États-Unis avaient réclamé un calendrier définitif confirmant les dates du processus électoral, lors du conseil de sécurité de l’ONU tenue en mars dernier. « Nous devons nous assurer que des élections libres et équitables se déroulent à temps », avait souligné l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, lors de cette rencontre par visioconférence du Conseil de sécurité consacrée au dossier malien. A cela, l’ambassadrice française adjointe à l’ONU, Nathalie Broadhurst, avait également ajouté : « Nous encourageons les autorités de transition à accélérer les préparatifs en vue des élections de mars 2022 ». Donc pour eux, c’est cette pression internationale qui a amené les autorités de transition à donner ce calendrier « bâclé » pour les élections au Mali.
La flambée de la grogne sociale rend difficile la mission de la transition
Aux réformes politiques et institutionnelles demandées par la classe politique, il faut ajouter la flambée de l’insécurité et de la grogne sociale, la vie chère, les coupures intempestives d’électricité, la colère dans les secteurs publics et privés (le transport, la santé, l’éducation et très récemment contre le nouveau projet de découpage territorial). C’est pourquoi, d’ailleurs, cette dernière visite du médiateur de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, s’est présentée comme un appel à l’union autour de la réussite de la transition.
C’est ce qui avait été précisé par l’ancien président Nigérian dès son arrivée au Mali que l’objectif de cette « mission de routine » est d’évaluer les progrès réalisés et d’apporter le soutien de la CEDEAO à la réussite de la transition au Mali. En effet, le diplomate de la CEDEAO a appelé les autorités ainsi que l’ensemble des forces vives de la nation à « plus de dialogue et de concertations ».
Pour cela, il avait, dans l’agenda, de rencontrer successivement la classe politique, la société civile, les ordres professionnels, les syndicats, la presse, les mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, certains leaders religieux et des légitimités traditionnelles tels que le Cherif Ousmane Madani HAIDARA, le Président du Haut Conseil islamique, le Cardinal Jean ZERBO, le Cherif de Nioro, l’Imam Mahmoud DICKO, le Président de l’AGEMPEM etc.
Apaiser la colère du M5-RFP
Le médiateur de la CEDEAO et sa délégation ont aussi rencontré les responsables du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) pour, peut-être, parvenir à baisser la colère au sein de ce mouvement qui a été à la base de toutes les contestations contre le régime de Ibrahim Boubacar Keita. Ses leaders avaient, pourtant, promis de reprendre les actions après le mois de Ramadan.
Le jeudi 6 mai dernier, le président de la transition, Bah N’Daw avait invité le comité stratégique du M5-RFP à Koulouba. Mais cette rencontre entre les deux parties n’a pas changé la position du M5 qui veut une « rectification de la transition ». Pis, il a même demandé la dissolution du conseil national de transition (CNT) et du gouvernement.
Les autorités doivent prendre en compte les préoccupations de la classe politique
Avec les autorités de la transition, le médiateur a discuté essentiellement de la mise en œuvre des recommandations des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO. Il s’est, par ailleurs, félicité des efforts déployés par le gouvernement de transition mais n’a pas manqué d’inviter le pouvoir en place à poursuivre les discussions sur les questions polémiques actuelles de réorganisation territoriale et la création de l’organe unique de gestion des élections tant réclamé par la classe politique.
Issa Djiguiba