Édito : Colonels, et le front ?
Dans le gouvernement, Cabinets ministériels, Conseil national de la Transition, gouvernorats et leurs cabinets, préfectures … et maintenant entrepôts maliens dans plusieurs pays africains, des militaires de l’armée malienne sont nommés en grand nombre depuis l’irruption des colonels du CNSP sur la scène politique au grand dam des millions de Maliens qui aspiraient au changement avec le départ de IBK. Si nous avons reproché au défunt régime d’avoir nommé plusieurs hauts gradés de l’armée malienne dans l’administration publique à Bamako et ailleurs, surtout dans un contexte de guerre imposée à notre pays depuis 2012, les autorités actuelles méritent « le prix Nobel » de la militarisation de l’administration. En plus des colonels qui sont dans le gouvernement, plusieurs officiers sont nommés dans les cabinets ministériels. Malgré l’opposition des administrateurs civils, des officiers généraux et supérieurs, ceux qui pouvaient jouer des rôles prépondérants sur le front, ont été nommés gouverneurs dans plusieurs régions. D’autres officiers sont nommés comme conseillers dans les gouvernorats de région. Ce n’est pas tout, des militaires sont également nommés comme préfets et sous-préfets. La dernière, c’est la nomination de plusieurs militaires dans les entrepôts maliens dans des pays africains. L’administration malienne, malgré les critiques de pas mal de citoyens, de certains groupements politiques dont le M5-RFP, se militarise. Les colonels font la sourde oreille à toutes ces critiques et continuent leur petit bonhomme de chemins à travers les nominations qualifiées de « claniques » par plusieurs observateurs.
La nomination des militaires dans l’administration n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais le contexte dans lequel celle-ci intervient donne des grincements de dents. En effet, le Mali, depuis 2012, traverse une crise multidimensionnelle touchant presque le fondement de la nation malienne avec son corollaire de morts (civils et militaires), des villages entiers complètement dévastés, des animaux enlevés, des récoltes et champs incendiés, des écoles fermées…suite à la montée en puissance du terrorisme. Comme le président déchu, IBK, avait eu à le dire, « nous sommes en guerre ».
Aujourd’hui, les militaires, surtout les hauts gradés ont plus de rôles à jouer sur les théâtres d’opérations que dans l’administration. Ces militaires, officiers généraux, officiers supérieurs, officiers subalternes, sous-officiers, hommes de rangs peuvent servir mieux sur la ligne de front.
Pendant que la présence des militaires est fortement sollicitée dans plusieurs localités du pays, notamment au centre, des centaines parmi eux prennent fonction dans l’administration laissant ainsi le front orphelin. Nous comprenons les nominations des militaires à certains postes de responsabilité, mais les autorités actuelles en font trop. Faire le système de IBK sans IBK doit aussi cesser ainsi que les pratiques dénoncées et combattues. Le changement réel doit se sentir dans les faits de tous les jours.
Boureima Guindo