
9 mois après son putsch contre le président de la République Rock Marc Christian Kaboré, le lieutenant-colonel Damiba a été, lui aussi, renversé par le capitaine Ibrahim Traoré. Cette chute, après seulement 9 mois de gouvernance, était prévisible. Pourquoi ? La réponse au terrorisme n’est pas celle qu’attendait la population burkinabè, surtout au niveau du choix des partenaires.
Venu au pouvoir en héros en janvier 2022, le lieutenant-colonel Damiba est parti en zéro ce 30 septembre 2022. Il a même été contraint, selon des sources, de quitter le pays des hommes intègres pour se réfugier au Togo.
En effet, le 30 septembre dernier, les officiers de l’armée burkinabè, dirigés par le capitaine Ibrahim Traoré, ont pris le pouvoir. Ils ont évincé le lieutenant-colonel Damiba non seulement de la présidence du Mpsr, mais aussi de la présidence de la transition. Après quelques heures de refus, de tentative de contre-offensive, il a décidé de rendre le tablier.
Pour certainement éviter des humiliations, il a posé des conditions, notamment la poursuite des activités opérationnelles sur le terrain, la garantie de la sécurité et de la non-poursuite des Forces de défense et de sécurité engagés à ses côtés, la poursuite du renforcement de la cohésion au sein des forces armées et la poursuite de la réconciliation nationale, le respect des engagements pris avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la poursuite de la réforme de l’État et la garantie de sa sécurité et de ses droits, ainsi que ceux de sa famille et de ses collaborateurs.
Les espoirs déçus des Burkinabè
L’arrivée du Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a suscité beaucoup d’espoir chez les Burkinabè. Cet espoir était dû à plusieurs facteurs, notamment son statut d’officier supérieur de l’armée, qualifié d’homme terrain, mais aussi du discours tenu, des reproches faits à Roch Marc Christian Kaboré, surtout en matière de lutte contre le terrorisme. Les Burkinabè espéraient une meilleure sécurité avec Damiba à la tête du pouvoir. Ils croyaient à la diversification des partenaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Ils aspiraient une souveraineté de leur pays. Tous ces espoirs se sont écroulés en l’espace de 9 mois. Damiba a « tapé poteau ».
La sécurité n’y est pas. C’est le statuquo laissé par l’ancien président de la République. La situation s’est même aggravée selon certains observateurs. Les terroristes continuent à endeuiller le pays. Chaque attaque contre les populations civiles ou militaires montre l’échec du gouvernement de Damiba. D’ailleurs, après les récentes embuscades ayant causé plus d’une dizaine de morts, les tensions étaient vives. Certaines organisations de la société civile envisageaient même une manifestation contre le gouvernant déchu.
Du Kaboré sans Kaboré
Le changement tant attendu au niveau du commandement militaire n’y est toujours pas, selon des observateurs. Damiba a fait du Kaboré sans Kaboré. Ce qui a aussi suscité des tensions.
L’autre cause, non des moindres, de la chute du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, c’est concernant la diversification des partenaires dans la lutte contre le terrorisme. Comme les Maliens, le peuple burkinabé est déçu de la France. Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu dans ce sens. Des organisations ont demandé le « départ immédiat » de la France au profit de la Russie. Ce que le Mali a fait. A son arrivée au pouvoir, surtout avec l’envoi d’une délégation au Mali, nombreux étaient des Burkinabè qui pensaient que le lieutenant-colonel Damiba allait emboiter le pas au colonel Assimi Goïta. Cet espoir s’est aussi écroulé. Les relations avec la France sont bonnes, la diversification des partenaires, bien qu’annoncée par le Premier ministre de la transition, n’est pas effective.
Une autre faute grave de Damiba, c’est d’avoir été un « bon élève » de la Cedeao parmi les putschistes de la sous-région. Pendant que le Mali d’Assimi Goïta et la Guinée de Mamadi Doumbouya, en phase avec leurs populations, sont menacées de sanctions par la Cedeao, lui, il est plutôt, jugé exemplaire. Pourtant, la Cedeao est accusée, dans la sous-région, d’être à la solde de la France. Donc, quand on est en phase avec la Cedeao, on ne fait pas l’affaire de sa population. Tel est l’avis de certains observateurs.
Ce sont ces erreurs qui ont conduit à la chute de Damiba qui a certainement oublié que les populations africaines ne croient plus aux discours mais aux faits. De nos jours, les dirigeants sont contraints de faire comme souhaitent les populations. C’est ce qu’a compris le colonel Assimi Goïta qui, malgré les campagnes de diabolisation au niveau international, tient toujours bon au palais de Koulouba.
Le capitaine Traoré n’a pas carte blanche
Comme Damiba à son arrivée, le capitaine Ibrahim Traoré a bénéficié d’un soutien populaire. Ce qui a d’ailleurs favorisé sa victoire. Ses discours, populistes ou sincères, ont motivé les Burkinabè à le soutenir. Déjà, il a annoncé, avec courage, sa volonté d’aller vers la diversification des partenaires. Aussi, a-t-il clairement indiqué que le Burkina Faso va revoir les termes de son partenariat avec la France. Une promesse qui a été applaudie par des populations qui réclament le départ de la France et d’un partenariat avec la Russie. Lors des manifestations de soutien au putsch contre Damiba, le drapeau russe était hissé. Interrogé sur un éventuel partenariat avec la Russie, le capitaine Ibrahim Traoré a été on ne peut plus clair : «La Russie est un État comme les autres. Nous sommes déjà en partenariat comme vous pouvez le constater. Même dans notre armée, nous utilisons beaucoup de matériels russes. Donc, c’est déjà un partenaire pour le Burkina Faso ».
Le Partenariat avec la France sera revu, en tout cas selon le nouvel homme fort du Burkina Faso. «S’il y a une ambassade ici, c’est qu’on est déjà partenaire, maintenant peut-être qu’on va parler des termes du partenariat. Il y a des choses à améliorer », a-t-il indiqué sur les antennes de RFI.
Pour ceux qui se rappellent, ce discours est celui que tenaient les autorités de transition au Mali au début de la diversification des partenaires. Le capitaine Traoré serait-il dans la logique d’Assimi Goïta ? Le futur nous le dira.
Mais ce que le capitaine Traoré doit savoir, c’est qu’il n’a pas carte blanche. A la Moindre erreur, il sera chassé comme Damiba. Il est contraint de suivre la voie voulue par la population. Et ce chemin sera épineux. Il faut s’attendre à une pression de la communauté internationale, des sanctions de la Cedeao et un bras de fer avec la France.
Boureima Guindo