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Assassinat des deux journalistes de RFI à Kidal : La rapporteuse Agnès Callamard de l’ONU accuse la France d’avoir empêché le déroulement de l’enquête

L’assassinat de deux journalistes de RFI au Mali en 2013 (Ghislaine Dupont et Claude Verlon) reste, malgré les efforts, sans suite. Ainsi, les causes et les circonstances de cet assassinat restent inconnues. Dans une lettre adressée aux autorités françaises, Agnès Callamard, une rapporteuse spéciale de l’ONU sur les accusations extrajudiciaires dénonce les « zones d’ombres » entourant l’enquête sur cet assassinat, mais estime aussi que la France a freiné l’enquête. Quant aux autorités compétentes, elles nient ces propos.

Ces deux journalistes de la radio France internationale (RFI) ont été enlevés puis tués à Kidal, au Mali. Dénoncés et condamnés par de nombreuses voix   médiatiques à travers le monde, ces faits criminels et attentatoires aux droits humains ont eu lieu en date du 2 novembre 2013.Via ces informations relayées par nos confrères de ‘’Mediapart‘’, la rapporteuse spéciale de l’ONU s’est inquiétée, à travers son courrier de trente et une pages envoyé aux autorités françaises, des « zones d’ombres troublantes » dans l’enquête menée en France par le parquet national antiterroriste. Elle trouve « très préoccupant » le fait que ces « zones d’ombres soient largement le résultat direct de l’absence de coopération de la part des autorités militaires françaises dans le cadre de la protection du secret-défense, ainsi que les autorités maliennes ». Selon cette rapporteuse, la France aurait, en opposant des freins et des limitations à l’enquête en cours, voire  en cachant certains détails du dispositif militaire français présent ce jour-là Kidal, failli à un principe essentiel de droit international : le devoir d’enquête. Lequel droit qui, dit-elle, oblige les Etats à enquêter de manière rapide et efficace sur les assassinats. Dans ce courrier, la rapporteuse précise : « Je tiens à exprimer ma plus vive préoccupation quant à l’absence de justice rendue quelques sept ans après les faits (assassinat) ».Puis d’ajouter : « Je suis particulièrement étonnée par le fait que bien que l’identité des suspects soit connue depuis plusieurs années (…), aucun mandat d’arrêt international en particulier à destination du Mali n’a été émis ».Pourtant, des présumés coupables de cet assassinat étaient connus. Il s’agit de Seidane Ag Hitta qui aurait été tué par l’armée française en 2015 ; Mbaye Ag Bakabo et Hamadi Ag Mohamed. Mais, le cas Seidane Ag Hitta est étonnant dans cette affaire, parce que ce présumé commanditaire du double meurtre des journalistes est apparu, selon les précisions, réapparu à l’occasion de la libération des quatre derniers otages parmi lesquels figurait Sophie Pétronin. Ce commanditaire supposé coupable du meurtre des deux journalistes aurait directement ou indirectement été un interlocuteur des autorités françaises. Toute chose qui pose problème pour Agnès Callamard.

« Comment peut-on réconcilier ce rôle d’interlocuteur avec le fait qu’il (Seidane Ag) ait échappé pendant sept ans à toute arrestation, interrogation (…) », s’est-elle interrogée dans ce courrier dont nos confrères de ‘’Médiapart’’ disent détenir une copie. Outre ces faits, la rapporteuse évoque plusieurs problèmes dans son courrier dont  le recours des autorités françaises au secret-défense qu’elle trouve abusif. C’est fort de ces constats que la rapporteuse ajoutera que « la mise en œuvre du secret-défense a entravé l’enquête judiciaire, a substitué un certain arbitrage à l’accès à la justice ; et s’est traduite par un énorme préjudice pour les familles des deux victimes ».Cette entrave, dira-t-elle, elle constitue une violation du droit international. Et de rappeler qu’en vertu des « normes internationales approuvées par les Etats en matière de droits de l’Homme, le concept de ‘’secret-défense d’Etat’’ ne peut pas être invoqué pour entraver la recherche de la vérité et pour nier aux victimes et à leur famille la justice qui leur est due ».

En l’occurrence, ce sont les seuls freins à l’enquête remarqués par Agnès Callamard qui annonce  les mensonges initiaux des autorités française concernant la présence des forces spéciales sur place ou encore la manière dont l’ex-président François Hollande et l’ex patron de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), Bernard Bajolet ont voulu varier dans leurs déclarations. La rapporteuse tient à souligner l’absence de transparence de la mission des Nations-Unies sur place, de la MInusma à qui elle dit avoir  écrit à plusieurs reprises  « sans succès ».Du côté de L’Elysée comme du parquet national antiterroriste français, ceux-ci nient les propos tenus par la rapporteuse, donnant des éclaircissements sur les différentes démarches et enquêtes menées par la France sur l’assassinat des journalistes. En tout cas, la rapporteuse de l’ONU accuse la France d’avoir entravé l’enquête.

Mamadou Diarra

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